Une faune et une flore au service des hommes

Les plantes et les animaux des déserts sont utiles à la science. L’étude des végétaux, notamment, fournirait de nouveaux remèdes et permettrait d’optimiser les cultures en milieu aride. 

N’en déplaise aux amoureux des dunes et des grands espaces minéraux, le désert n’est pas vide. Des hommes (8% de la population mondiale tout de même, soit 500 millions d’individus), mais aussi des plantes, des microbes et des animaux y vivent et parfois y prospèrent. Le célèbre explorateur et naturaliste français Théodore Monod, qui a passé sa vie à arpenter les déserts, a ainsi réuni en un herbier gigantesque plus de 20 000 plantes, récoltées dans le seul Sahara ! Parmi elles, certaines auraient des applications pharmaceutiques, comme la scorzonène ondulée dont les molécules antioxydantes pourraient être utilisées dans le traitement des accidents vasculaires cérébraux et la prévention des cancers et des maladies cardiaques. Le Laboratoire de botanique médicale d’Alger a, lui, recensé 35 végétaux suceptibles de fournir des médicaments pour soigner le diabète, les rhumatismes, les colliques ou les affections pulmonaires…

D’autres espèces fascinent les chercheurs pour leurs étonnantes capacités d’adaptation aux milieux arides. En témoigne la « Welwitschia mirabilis », familière du désert côtier de Namibie. Dotée d’un tronc court et d’une unique racine, elle étend ses feuilles jusqu’à atteindre 1,40 mètres de hauteur et 4 mètres de diamètre. Certains spécimens arrivent à vivre entre 1 500 et 2 000 ans, apparemment sans eau. En fait, on suppose que la rosée nocturne « abreuve » la plante, qui protège dans l’entrelacs des ses feuilles des serpents, lézards et araignées. C’est en tout cas l’hypothèse avancée par Pierre Martens, un botaniste belge, qui a observé la « Welwitschia » pendant vingt-cinq ans. D’autres scientifiques scrutent à la loupe la « Selaginella lepidophylla », une espèce originaire du désert de Chihuahua, à cheval entre les États-Unis et le Mexique, et plus connue sous ses alias : « plante de la résurrection », « plante préhistorique » ou « rose de Jérocho ».

Au dessus de ses racines, cette curiosité déploie non pas des feuilles mais des extensions de tiges, moitié mousses, moitié fougères. Quand il pleut, elle s’ouvre en quelques heures et retrouve sa verdeur. Lorsque le soleil brûle, elle recroqueville ses tiges pour former une boule-carapace qui conserve l’humidité. Par canicule prolongée, elle sommeile ainsi pendant des semaines, voir des années. Les gènes de « Selaginella » aujourd’hui à l’étude, pourraient être transférés dans d’autres végétaux tels le coton ou le soja afin de leur conférer une même résistance à l’aridité. « Plus généralement, l’étude de l’adaptation des plantes  la secheresse servirait à améliorer des cultures soumises à un stress hydrique et donc à anticiper les effets sur elles et sur le réchauffement climatique ». Le Centre de recherche et développement de Ramat du Néguev, a ainsi réussi à produire de l’eau tirée de nappes souterraines saumâtres ! Appliquée industriellement, cette technique permettrait aux pays arides situés en bord de mer de cultiver fruits et légumes dans le sable.

Autres habitants du désert : les bactéries, invisibles à l’oeil nu, mais qui prolifèrent. Thierry Heulin du Laboratoire d’écologie microbienne des environnements extrêmes au CNRS, estime que « chaque gramme de sable en héberge entre 1 000 et 10 000″. Dernière trouvaille dans ce domaine ? La fameuse « bactérie du désert » répondant au doux nom de « Ramlibacter tataouimensis ». Découverte en 2011 dans le sud-tunisien, près de Tataouine, par une escouade de chercheurs du CNRS, du CEA et de l’INRA, elle a la faculté de se transformer, le jour, en kyste pour éviter la déshydratation. En fin de nuit, quand la rosée apparaît, elle parvient à effectuer une division cellulaire sous forme de batonnets qui peuvent se déplacer. « Ramilbacter tataouinensis » est donc calée sur le cycle de l’eau : on ne fait pas mieux pour s’autoperpétuer. Thierry Heulin pense que l’étude de cette bactérie « pourrait déboucher sur des applications en biotechnologies ou de nouveaux antibiotiques ».

La faune des zones arides déploie tout autant d’astuces pour résister à la chaleur, au grand plaisir des zoologues. En ce domaine, le fennec saharien, petit renard des sables, reste le mieux équipé : les plantes de ses pattes sont pourvues de « semelles » de poils épais qui leur évitent d’être brûlées. Quand le soleil est au zénith (70° C à la surface du sol), le canidé creuse le sable jusqu’à 2 mètres de profondeur pour s’enterrer au frais Ses grandes oreilles lui servant à repérer ses proies de loin, sont tapissées de veines faisant office de refroidisseurs.

Le rat-kangourou lui, ne boit jamais. Ce rongeur noctambule endémique de la Vallée de la Mort, en Californie, s’hydrate en convertissant en eau les graines dont il se nourrit. Mais comment ? L’américain Knut Schmidt-Nielsen, considéré comme le père de l’écophysiologie, a mesuré que l’alimentation donnée à ces animaux composée de 100 grammes d’orge sec produisait 54 grammes d’eau. Ses expériences montrent que le rat-kangourou possède un métabolisme original qui lui permet, en oxydant sa nourriture, de métamorphoser le sec en liquide, comme la pierre physlosophale, le plomb en or. Atout supplémentaire : le rat ne sue pas et récupère l’eau produite par son corps pendant la digestion. Résolue l’énigme de son système rénal pourrait ouvrir des perspectives médicales stupéfiantes pour l’homme.

Le désert impose ainsi ses diktats aux créatures qui le peuplent, jusqu’à leur inspirer des pratiques quasi divinatoires : ainsi de l’addax, antilope au nez tacheté. Cet herbivore africain est capable de détecter des pluies, et donc la perspective de feuillages frais !

En fin de compte, c’est l’être humain pourtant composé de 45 litres d’eau pour 70 kilos en moyennes qui est le moins armé, physiologiquement, pour affronter le désert. Par 50°C, sans boire, il meurt en 48 heures. Les autochtones des zones arides n’y étaient pas préparés justement : ils s’y déplacent par nécessité, apprivoisant l’impossible, de point d’eau en point d’eau.

Source : Geo

neorizons_Sahara

 

Laisser un commentaire

Votre adresse de messagerie ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Vous pouvez utiliser ces balises et attributs HTML : <a href="" title=""> <abbr title=""> <acronym title=""> <b> <blockquote cite=""> <cite> <code> <del datetime=""> <em> <i> <q cite=""> <strike> <strong>