Le pot-au-feu à la sauce vietnamienne

À Hanoi, il fait encore nuit noire. Dans les gargotes, les cuisinières émincent les oignons, les échalotes, le gingembre et les herbes fraîches ramassées la veille. Elles désossent des volailles, ficellent un plat de côtes de boeuf  avec quelques os à moelle…

Cet instant paisible précède le chaos qui va bientôt déferler sur les rues de la capitale du Viêt Nam. Les habitués débouleront, s’installeront sur des tabourets  branlants et commanderont un phô brulant.  Ce potage ne fait pas seulement office de petit déjeuner, il peut être consommé à toute heure. Certains puristes affirment toutefois que c’est le matin qu’il est bienfaisant : il éveille le corps, le réchauffe et le nourrit substantiellement. D’autres soutiennent que le soir, le bouillon est encore plus concentré en parfum.

Car le phô est avant tout une histoire de bouillon. Sur ses origines, rien de bien clair. On raconte que la recette serait apparue au début du XXème siècle, dans la province septentrionale de Nam Dinh, à une centaine de kilomètres de Hanoi. Dans ce bastion manufacturier, la population était très mélangée, les employés et ouvriers du textile vietnamiens y côtoyaient les soldats et colons français. C’est ce brassage qui aurait donné naissance au plat national.

Le bouillon possède des saveurs typiques de la cuisine du nord du pays, plus salée que celle du sud, marquée par la présence du nuoc-mâm, un condiment à base de poissons gras fermentés. Des pâtes de riz et des épices locales – coriandre, cannelle, anis étoilé, feuille de citronnier… – viennent soutenir cette note asiatique. Pour la touche française, on y ajoute d ela viande de boeuf. La soupe vietnamienne n’est en effet pas sans rappeler notre pot-au-feu, qui serait même à l’origine du nom « phô », prononcer « feu ».

Or, avant la création de l’Indochine en 1887, le boeuf était, dans ce petit bout d’Asie, presque exclusivement utilisé en animal de trait. C’est donc pour satisfaire le goût des occupants que les Vietnamiens ont délaissé leurs classiques crabes et coquillages.  Mais le résultat, fruit de cette ingérence étrangère, a remporté un franc succès auprès des autochtones. Puis à partir de 1954, tandis que la partition du pays et le départ des français entrainèrent d’importants mouvements de population, des réfugiés emportèrent avec eux la recette du phô. Ils l’agrémentèrent avec ce qu’ils trouvèrent sur leur route, des aromates comme e basilic thaï, ou même des viandes moins chères (poulet, porc…) en période de disette. Si bien qu’aujourd’hui, c’est la soupe parfaite : bon marché, bourrée de vitamines et relevée à souhait.

À déguster dans les règles de l’art

Les vietnamiens mangent le phô à l’extérieur de chez eux, à la va-vite, parfois même accroupis au bord des routes. Didier Corlou, chef à Hanoi depuis plus de vingt ans, donne trois conseils pour le savourer à la manière locale.

Les premiers gestes Ajouter citron, piment et poivre quand le bol brûlant arrive sur la table. Remuer ensuite avec des baguettes.

Les bon outils Éviter les couverts en métal qui laissent un goût froid en bouche. Déguster le bouillon, les pâtes de riz et la viande avec une cuillère en porcelaine et des baguettes.

La vitesse idéale Essayer d’avaler le tout comme les Vietnamiens, en moins de cinq minutes, sous peine de manger des nouilles trop gonflées.

Source : Geo 

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