Venise, balade buissonière

Une bicyclette pour découvrir Venise, il y a sûrement maldonne. L’engin est taillé pour rouler et non pas pour voguer. Profitons-en pour se balader le long du Sile, un fleuve qui fait le lien entre la très chic Trévise et la lagune. De là, à bord d’un bateau, on passe en revue les îles du nord, délicats amuse-gueule avant de débarquer à Venise, enfin ! Mais on n’était plus si pressé d’y arriver.

Pour commencer, laissons les gondoles à Venise, les gonodliers aussi avec leurs marinières, chapeaux de paille à ruban et Ray-Ban, mettons de côté la place Saint-Marc, le palais des Doges, la Campanile, le Grand Canal, les pigeons odieux, les pélerins venus en masse se receuillir et s’esbaudir dans la ville faite Art, celle qui supplante toutes les autres en matière de clichés.

A force de jouer à la plus belle ville du monde, à la plus romantique, à la plus mélancolique si encline à la noyade, on peut se demander si derrière le masque un coeur bat encore. Point de gondoles donc mais des bicyclettes, véhicules bien connus pour ne pas goûter les ponts en escaliers et dont la capacité à flotter sur les canaux est poour ainsi dire nulle. Une incompatibilité si nulle avec Venise appelle le détour, le contournement, l’escapade, pousse à envisager les alentours. Une bici comme disent les Italiens donne des ailes pour aller voir ailleurs et ce n’est pas plus mal. Avant de voir Venise, éloignons-nous.

La ville de Casanova ne saurait bouder quelques préliminaires toujours précieux pour attiser la flamme du désir. Et que dire d’une pincée de jalousie pour relever le tout. Ainsi, une visite à la voisine, Trévise, s’impose.

A vélo le long du Sile 

À partir de Casale, il suffit de remonter le Sile, le plus long fleuve résurgent d’Europe (96 km) qui avant d’être détourné au XVII ème sècle se jetait dans la lagune. La piste cyclable aussi plate qu’une tagliatella garantit même au touriste le plus minable de franchir la ligne d’arrivée sans s’administrer une petite dose d’EPO. Au besoin, il peut s’arrêter dans un bar pour selon l’expression vénitienne  » prendre une ombre «  ce qui revient par chez nous à  » boire un canon « . En matière d’ombre, on peut compter sur celle dégagée par les arbres le long des berges.

D’un débit égal tout au long de l’année et par conséquent toujours navigable, le fleuve a donné l’idée dès la Renaissance à certains riches habitants de Venise de construire sur ses rives de fastueuses villas. À travers les trouées du feuillage, elles laissent admirer leurs graciles silhouettes dont le reflet tremblote à la surface de l’eau verte. Leurs riches propriétaires qui venaient s’y délasser aux plus fortes chaleurs de l’été ne crachaient pas à l’occasion sur quelques troussages ancillaires ou paysans. Afin de ne pas éveiller les soupçons de leurs épouses en rentrant fatigués au domicile principal sans plus d’appétit pour l’accomplissement du devoir conjugual, ils réclamaient à leurs bones ou fermières qu’elles les requinquassent. Voici comment ces dernières joignant au dévouement la créativité auraient alors inventé un gâteau énergétique, le bien nommé tiramisu.

Outre qu’il se prêtait merveilleusement à la villégiature, le Sile offrait aussi des conditions idéales pour l’établissement de moulins sur son cours et ceux de ses affluents. Au XIXème siècle, pas moins d’une soixantaine moulaient du grain qui était ensuite transporté par des bateaux tirés par des chevaux, les burci. Quelques-uns naviguaient encore dans les années 70 jusqu’à ce que le dernier moulin en activité confie le transport aux routiers. Depuis, ils attendent d’être reconvertis. En quoi ? On ne sait pas trop encore.

En passant par Trévise

Maintenant Trévise ne doit plus être très loin. À petites foulées, quelques signorine et signore très minces, vêtues de leurs plus beaux joggins, légèrement maquillées comme il sied quand on s’adonne à une activité physique modérée, sans trop de bijoux, seulement le strict nécessaire. Pour se prévenir contre le soleil, elles accordent à la quasi unanimité leur confiance aux lunettes Gucci. C’est qu’on ne mégote pas sur la qualité des équipements à Trévise ni sur les signes extérieurs de richessse. Pourquoi se priver quand on en a les moyens ? La ville compte parmi les plus riches de la région.

Et nous pauvres cyclotouristes, on se sent proches de toutes ces Trévisanes mais aussi de tous ces Trévisans qui partagent notre passion pour la petite reine sans aller toutefois jusqu’à porter des cuissardes. Changement de décor. On roule plein en empruntant pendant un moment l’ancienne voie Annia. Le Sile avance à découvert sur une plaine qui se fait une très haute idée de la platitude. C’est à se demander comment le fleuve parvient encore à s’écouler. Des champs à perte de vue, quelques gros bâtiments de ferme isolés témoins de l’exploitation de type latifundiaire en vigueur dans le coin, des roselières, des échassiers, un autre fleuve qui porte l’étrange nom de Zero et dans le lointain les Alpes drésées comme une herse de château fort.

Lagune en vue

À Quarto d’Altino, on rejoint la lagune pour embarquer sur un bateau à fond plat. Devant nous, des roseaux à perte de vue entre lesquels on se faufile en empruntant les chenaux qui louvoient. Giancula, un Vénitien pur jus tient la barre.

Quand on finit par s’extirper de la verdure, on aperçoit en premier le clocher de Torcello. L’île toute menue servit de refuge entre les Vè et VIè siècles aux habitants de la plaine qui fuyaient les Wisigoths connus pour leur manque de savoir-vivre. Elle fut ainsi la première île de la lagune à être colonisée. Autrefois 20 000, les habitants ne sont aujourd’hui plus que 16. Si bien que la naissance d’une petite fille a enflammée la presse.

Un campanile pouvant en cacher un autre, on aperçoit de Torcello celui de Burano qui marque son penchant lui-même exagérément. Burano, l’île aux maisonnette peintes chacune dans une couleur très vive : rouge, violet, vert, bleu, jaune… cela pour aider les marins à retrouver leur domicile par temps de brume selon l’explication officielle.

Un peu plus au sud, en suivant la voie jalonnée de bricole et de principesse, ces repères formés par de sassemblages de pieux qui pointent au-dessus de l’eau, on atteint l’île San Francesco del Deserto.

Murano, une autre île, ne partage pas grand-chose avec San Francesco et certainement pas le calme. L’île des verriers donne un avant-goût de la bousculade vénitienne. Un couple s’embrasse sur le pont, devant l’objectif d’un photogrape. Le mariage à Venise est un fantasme en vogue et qui a son prix, en moyenne 2 000 euros à verser pour avoir les honneurs de se dire oui devant Monsieur le Maire.

Et puis, et puis, il y a finalement Venise. Une foule très sentimentale se déplace sur les places, sur les ponts, dans les rouelles où il faut jouer du coude pour goûter à sa part de rêve. Trop de fréquentation touristique, des prix à la hausse, les inondations à répétition ont chassé définitivement les Vénitiens. Beaucoup vivent désormais sur la terre ferme à Mestre et ne pensent jamais revenir ou plus précisement ne jamais avoir les moyens de revenir. Alors même si Venise n’est plus ce qu’elle fût, même si elle n’est plus qu’une copie d’elle-même, l’oeuvre d’un faussaire génial, on s’en fiche car elle reste incomparable et réserve encore pour les passionnés des coins où le temps s’use dans l’indifférence.

Source : A/R magazine voyageur

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