Ubud, coeur spirituel de Bali

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Son nom même, Bali, sonn comme une promesse de paradis avec ses processions chatoyantes et ses délicates offrandes de pétales de fleurs. l’île des Dieux séduit par l’intensité de sa culture, empreinte de spiritualité. Ombilic de l’île, Ubud attire désormais aussi les yogis et yoginis du monde entier.

Le jour se lève à Bali. Dans l’enceinte des maisons, les femmes préparent les premières offrandes. Délicats et éphémères, de petits paniers de feuilles tréssés accueillant pétales de fleurs, riz, nourriture sacrée et encens sont déposés devant l’autel familial, mais aussi dans les temples, à l’entrée des magasins, des restaurants, des hôtels et des maisons. Ainsi débute le jour, quel que soit le lieu où l’on se trouve dans l’île, en ville ou à la campagne. Au coeur des rizières comme au milieu d’un carrefour, le rituel se déroule avec la même application et le même reccueillement : les Balinais reproduisent encore et toujours les gestes ancestraux qui font d’eux des hommes au sein d’une cosmologie qu’ils se font un devoir de respecter scrupuleusement.

En totale harmonie

« L’esprit de Bali se résume aussi dans le mot taksu, la vibration spirituelle qui émerge de chaque morceau de terre », rappelle Made Mangku Pastika, le gouverneur de l’île, lors de la cérémonie d’ouverture du Bali Spirit Festival, un festival de yoga, de danse et de musique. La spiritualité est présente partout, dans les temples, les cérémonies, mais aussi la vie quotidienne. L’hindouisme balinais est assez différent de celui de l’Inde. Ainsi, La Trinité hindoue n’est jamais représenté mais elle est symbolisée dans les temples par les meru, des tours surmontées d’un toit de chaume noir. Les sculptures des temples, nombreuses, s’inspirent autant des épopées hindoues que des légendes locales. Le divin balinais est multiple et s’associe aux dieux hindous en un syncrétisme singulier. L’île est aussi pleine d’esprits et de démons qui peuplent et régentent les éléments naturels. Bien qu’on ne vénère pas une divinité de la mer ou un dieu des forêts, on reconnaît ses forces naturelles la relation que l’homme entretient avec elle et, éventuellement, on la craint. Les offrandes déposées quotidiennement un peu partout et les cérémonies régulièrement organisées sont donc tout destinées aux dieux (elles sont alors déposées en hauteur), qu’aux démons (on les dépose à même le sol).

« Tout repose sur le concept de Tri Hita Karana, ‘harmonie entre les dieux, les hommes et la nature », confirme Made Mangku Pastika. « La vie balinaise tout entière repose sur la relation entre le microcosme et la macrocosme, qui sous-tend chaque action, geste et parole, enrichissant le quotidien d’une manière particulière », ajoute Roseline Goiran, auteure d’un carnet de route balinais. Tout à Bali veille à respecter ce subtil équilibre : l’organisation sociale, les rituels… Le quotidien, tribulaire d’un calendrier complexe, met à l’honneur les dieux, les temples et les esprits. Les hameaux, les villes et les temples s’animent tous ls jours d’une multitude de cérémonies. Il y en a un tant qu’il est impossible de séjourner sur l’île sans assister à une fête ou à une procession, que ce soit dans un village, un temple ou sur toute l’île, au moment des fêtes majeures de l’année. Le calendrier hindouiste Saka, l’un de ceux en vigueur à Bali, est rythmé par des fêtes incroyables, dont Nyepi, qui signe le dernier jour de l’année, mais aussi la fin de la saison des pluies. Et le nouvel an, à Bali, c’est sacré !

Le jour du silence

Selamat Hari Raya Nyepi ! (« joyeux jour sacré de Nyepi ! ») En cette avant-veille du jour de l’an 1934 (selon le calendrier Saka), les Ogohs-Ogohs, sortes de monstres colorés en bambou et papier, envahissent l’île. Les figurines sont toutes plus hideuses les unes que les autre. Le dernier jour de l’année, Yama (le dieu de l’empire des mots) lâche tous les démons et il s’agit de les effrayer pour qu’ils n’aient aucune envie de s’installer ! « ll y a quelques années, on avait pu voir défiler dans les rues des effigies à l’image de Georges Bush et de Ben Laden, sorte de frères siamois monstrueux venus effrayer, un temps compté, les Balinais avec leur mauvais esprit guerrier », raconte franck Michel, anthropologue spécialiste de Bali. La veille de Nyepi, dès le matin, les enfants font exploser es pétards pour terrifier les démons. Pendant ce temps, les femmes fabriquent des offrandes en quantité, plus volimuneuses que celles qu’elles réalisent quotidiennement. Puis, tout le village se retrouve au temple pour une cérémonie de purification. C’est l’occasion d’assister à un barong. Cette danse, héritée des rites d’exorcisme, illustre de manière spectaculaire la lutte du Bien, incarné par le barong, animal mythique mi-dragon, mi-buffle, contre le Mal, représenté par Rangda, une horrible créature au visage blanc, à la langue pendante et aux entrailles accrochées autour du cou. La cérémonie s’achève, comme il se doit, par une longue et chatoyante procession.

Toue la journée, les Ogohs-Ogohs, veillent sagement sur les allées et venues des villageois. Ils attendent leur heure. C’est au coucher du soleil que les esprits malins descendent sur terre. Et, après l’incontournable prière, vient le temps de l’excitation générale ! Au son des tambours et du gamelan, dans un brouhaha assourdissant, les monstres de papier sont promenés à bras d’homme dans les rues, pour mieux affirmer leur présence et leur puissance dévastatrices. C’est une sorte de carnaval à la sauce locale, avec bruits, torches allumées et explosions de pétards. Un moment où le chaos remplace l’harmonie tant recherchée habituellement à Bali. Autour de minuit, l’heure est à l’apaisement.

Lorsque naît l’aube, le silence demeure pour se prolonger jusqu’au lendemain matin. Nyepi est un jour de silence complet. Tout doit être calme afin que les mauvais esprit croient l’île inhabitéé et n’aient pas envie de revenir. Aucune lampe n’est allumée, personne ne fait la cuisine ni ne circule dans les rues, tous les commerces sont fermés. Même l’aéroport international Ngurah Rai est clos, ce qui représente une exception mondiale. Et celle-ci caractérise parfaitement l’île de Bali : une destination à nulle autre pareille, à la fois résolument moderne, très ouverte au tourisme, et pourtant tout à fait ancrée dans les traditions. Les Balinais consacrent cette journée à la méditation, à l’introspection et aux questionnement de l’âme.

Ubud, coeur culturel et spirituel de Bali

Au centre géographique de l’île, Ubud est sans conteste le lieu qui incarne la culture balinaise. Entourée de pentes douces verdoyantes sculptées de rizières en terrasse, la petite ville est réputée pour la doucheur de son climat et pour son atmosphère raffinée. On connaît l’histoire d’Ubud à partir du VIIème siècle. À cette époque, un temple y est édifié par Nirartha, le prêtre javanais considéré comme le fondateur des pratiques religieuses et des rituels de Bali tels que nous les connaissons aujourd’hui.

La région est alors le centre de la médecine naturelle et de la guérison, à l’origine du nom « Ubud ». En effet, ubad signifie « médecine » en langue balinaise. Son ère moderne débute dans les années 30. Sous l’impulsion de la famille royale, le petit hameau de campagne devient le refuge d’une poignée d’artistes et d’intellectuels occidentaux, qui considèrent ce village comme une véritable source d’inspiration mêlant nature et culture. Voilà pourquoi les rues sont parsemées de galeries où artistes, grands et petits, s’adonnent à leur art. Si les arts graphiques sont très bien représentés, le spectacle vivant est loin d’être en reste. De très beaux spectacles, illustrant la riche culture de l’île, ont lieu chaque soir. La ville où bat le coeur culturel de Bali semble cristalliser tout le paradoxe et l’enjeu balinais : réussir à préserver sa culture en accueillant des visiteurs du monde entier.

Un haut lieu de la scène yogique

S’appuyant sur les rituels de beauté et de santé indonésiens, des spas et centres de massages ont commencé à fleurir dans le centre du village, en même temps qu’ont émergé les propositions de cours de oga. À tel point qu’aujourd’hui, Ubud est devenue l’un  des hauts lieux du yoga dans cette région du monde, devant les centres réputés de Koh Pha Nagan, en Thaïlande, et de Byron Bay, Fondée par un couple américano-balinais en 2003, la société Bali Spirit et son Yoga Barn ont beaucoup contribué à ce rayonnement. Arrivée à Bali dans le cadre d’études d’art, une jeune New-Yorkaise, Meghan Pappenheim, tombe amoureuse de son interprète de l’époque, Kadek Gunart, et s’installe avec lui sur l’île des dieux. Pratiquante de yoga depuis l’âge de 15 ans, Meghan oasse un certificat Yoga Alliance en 2002 afin d’enseigner. Cette année-là, son mari architecte lui construit un studio de yoga, juste au-dessus de leur restaurant Kafe, déjà l’un des points de ralliement de la communauté d’expatriés d’Ubud. Les deux passionnés acquièrent un terrain au coeur des rizières, dans une nature luxuriante. Il y construisent un bâtiment de deux étages, qu iabrite deux grands studios ouverts aux quatre vents et un restaurant proposant une cuisine bio et végétarienne. Deux petites bâtisses adjacentes accueillent les salles de soins et de massages. Toute l’année, les cours de yoga s’y suivent sans forcément se rassembler. L’offre est aussi éclectique que les enseignants sont variés, et les stages s’adressent autant aux débutants qu’aux professeurs aguerris. L’ambiance est telle que ceux qui séjournent ici une première fois sont tentés de revenir. La clientèle se fidélise et augmente d’année en année.

Suite de l’aventure : le couple américano-balinais crée en 2008 un festival de yogan de musique  et de danse. Chaque dernière semaine de mars, une partie de la communauté yogique internationale se donne rendez-vous au site d’Ubud. Dans un cadre de rêve avec cocotiers et rizières en toile de fond, le Bali Spirit Festival propose plus d’une centaine d’ateliers en techniques de yoga, médiation, tai-chi : de la danse, des ateliers de musiqu, du chant sacré balinais, sans oublier des ateliers d’enseignements philosophiques, des créations artistiques, du massage…

« C’est une expérience positive et exaltante », s’enthousiasme Karen, jeune Américaine qui vit à Singapour. « Le festival est catalyseur de changements. Je vais repartir chez moi en ayant le sentiment d’avor vu et vécu les choses différemment, et cela va me porter et m’inspirer pendant longtemps », raconte Mila, d’origine autralienne. Le soir venu, la radieuse foule se déplace sur l’incroyable site du musée Arma pour profiter d’une programmation musicale aussi éclectique que la programmation yogique de la journée. De la musique balinaise, du reggae, de l’electro, du kirtan rock fusion : il y en a pour tous les goûts. Les musiciens viennent de tous les pays du monde et, bien sûr, d’Indonésie ! Car, s’il apporte l’esprit du yoga et de la world music dans la région, le Bali Spirit Festival donne aussi à voir la culture, la musique et la spiritualité indonésienne à un public international. Et le succès est au rendez-vous.

Source : Esprit Yoga n°11

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