Les îles de Princes, dernière traces de cosmopolisme en Turquie

Les îles des Princes, appelées familièrement « adalar » par les Turcs se trouvent en pleine mer de Marmara. Elle furent le lieu de retraite des mystiques byzantins puis, au XIXe siècle, des élites ottomanes avant de devenir le refuge des Stambouliotes fuyant les chaleurs estivales.

Les voitures sont procrites sur les 4 îles de l’archipel (Kinaliada, Burgazada, Heybeliada [ou Heybeli] et Büyükada) où les déplacements se font uniquement à vélo, à pied ou en calèche. Des lieux où la vie s’écoule paisiblement, entre monuments byzantins et maisons Belle Époque.

L’île attira d’abord les ermites avant de voir arriver des princes byzantins souhaitant construire couvents et monastères (d’où le surnom Panadanisia « île des prêtres »). Devenu ensuite lieu d’exil, les îles Princes ont acceuillis des prisonniers comme les impératrices Zoé, Irène et Théodosia, le patriarche Méthodius ou l’empereur Romain IV Diogène. En 1960, ce sont les membres du Parti Démocrate, reversés par un coup d’État qui se sont retrouvé sur l’île de Yassiada.

Si l’île a été baptisée « île des Princes » à cause de ses illustres prisonniers, il ne reste plus que des ruines de leurs geôles. Les îles ont cependant gardées leur vocation religieuse : les couvents et autres monastères sont toujours intacts en particulier celui de la Sainte-Trinité construit sur l’île d’Heybeliada. Fermé en 1971 par les autorités turques, l’Union Européenne veut faire de sa réouverture un test du respect de la liberté religieuse.

C’était une école de théologie unique. Tous les patriarches de l’Empire sont sortis d’ici, et au XXe siècle le clergé orthodoxe d’Amérique, d’Eurpe, d’Australie et des Balkans y était formé », explique Sotirios Varnalidis, professeur de théologie qui s’occupe aussi de la magnifique bibliothèque du monastère (60 000 livres dont quelques-uns des plus vieux livres imprimés de l’Histoire). « De temps en temps, des prêtres viennent de Grèce pour assurer les fonctions liturgiques avec un visa de tourisme, valable trois mois seulement, mais ce n’est pas une solution durable. Nous ne pouvons pas dépendre de l’extérieur, nous avons besoin de nos propres prêtres. »

 Certains autres monastères ont été victimes de pillards comme le monastère de Saint-Georges, sur Heybeliada. Mais un prêtre s’est chargé de redonner vie au lieu.  »Le monastère était quasiment vide quand je suis arrivé, il y a sept ans. J’ai alors commencé à restaurer et à acheter des meubles et des objets anciens » ce qui a, petit à petit, donné au lieu des allures de musée. Mais les façades extérieures gardent les traces d’affrontements passés.

Au milieu du XIXesiècle, la création de la première ligne de bateaux à vapeur entre Istanbul et les îles entraîna un développement spectaculaire de ces petits vilages de pêcheurs. Les îles devinrent le dernier lieu de villégiature à la mode et on y fit batir de somptueuses résidences d’été en bois, les kösk (entourés d’un jardin) et les yali (situés sur le rivage). C’est ainsi que les îles ont commencées à prendre leur apparence actuelle.

Sous l’Empire Ottoman, on trouvait sur les îles une grande tolérance pour les minorités religieuses. Situation qui a beaucoup changée depuis.  »Pendant des dizaines d’années, il y a eu tellement de nationalisme que le racisme s’est développé. Nous avons du travail à faire pour arranger les choses », résume Raffi Hermon, l’un des conseillers municipaux, d’origine arménienne. On mise sur la culture. « Quand on parle de cohabitation des communautés, il y a plusieurs étapes, poursuit-il. La première étape est celle d’une simple coexistence, et la deuxième réside dans la réalisation d’une sorte d’harmonie. Lorsqu’un musicien turc commence à chanter une chanson chrétienne, qu’un chrétien se met à chanter en hébreu et qu’un juif entreprend une danse turque, on atteint cette harmonie. Cette ancienne coutume avait été oubliée et on commence à la réhabiliter. A Büyükada, nous avons ainsi organisé un festival de musiques et de chants grecs, et un concert avec un orchestre symphonique composé de jeunes Arméniens et de jeunes Turcs… Si nous réussissons ici, le reste de la Turquie parviendra aussi à trouver un modus vivendientre communautés. »

Source : Le Monde

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