L’envol de l’art contemporain arabe

Pour fêter ses 25 ans, l’Institut du Monde arabe recense des créations très vivantes.

Ce fût l’un des premiers musées parisiens à présenter des expositions d’arts plastiques arabes. Depuis sa fondation, l’Institut du Monde arabe en a réalisé plus d’une centaine. Pour célébrer son premier quart de siècle, l’Institut propose un panorama de la crétion contemporaine, à travers quarante artistes de dix-neuf nationalités différentes. Aurélie Clémente-Ruiz, directrice du département des expositions, explique le choix des oeuvres.

L’exposition permet-elle de dégager des caractéristiques propres à l’art contemporain arabe?

L’appellation même d’ »art contemporain arabe » est controversée. Regrouper sous cette étiquette géographique et culturelle des oeuvres aussi variées peut paraître artificiel. Pourtant, elles présentent certains traits communs. Elles ont souvent un propos politique. Dans certains cas, le discours est assumé. Dans son installation vidéo « Tag’out », l’Algérien Ammar Bouras évoque l’assassinat du président Boudiaf et ses conséquences : les émeutes qui coutèrent la vie à quelques-uns de ses amis. D’autres créations empruntent des voies plus détournées. À travers ses photogrammes très esthétiques, qui montrent les contours d’objets en noir et blanc, la Sahoudienne Maha Malluh fait référence aux rayons X des contrôle sdans les aéroports, au fait que le monde d’aujourd’hui laisse de moins en moins de place à l’intimité.

L’effet des Printemps arabes se fait-il déjà sentir ?

Oui, en particulier chez Meriem Bouderbala, née à Tunis. La photographe propose une série de clichés où le drapeau tunisien se noie, comme une métaphore de son pays dont la Révolution ne sait pas où elle va. Cela nous semblait important que soient représentés ces échos des bouleversements récents au Maghreb et au Proche-Orient. La plupart des travaux présentés dans l’exposition datent de 2011 ou 2012.

Comment l’épineuse question de la religion, notamment de l’islam, est-elle traitée ?

Il faut faire attention de ne pas porter un regard trop occidental là-dessu, parce que les artistes ne se posent pas autant de questions que nous. La religion fait partie de leur vie, qu’ils soient croyants ou non, qu’ils soient musulmans ou non. D’ailleurs, lors de nos recherches, nous n’avons pas trouvé une seule oeuvre provocatrice par rapport à l’islam. En fait, le sujet religieux est souvent abordé de manière très personnelle. Par exemple par le Saoudien Ahmed Mater. Son installation « Magnetism » consiste en un cube noir aimanté de filaments métalliques qui figurent les pèlerins tournant autour de la Kaaba, à La Mecque. On peut y voir une réflexion sur le lieu saint de l’islam. Mais, pour l’artiste, c’est une ode à son enfance et à la transmission familiale. Lorsqu’il était petit, son grand-père lui racontait son pélerinage à La Mecque comme l’un des plus beaux moments de son existence.

Ces artistes peuvent-ils travailler librement dans leurs pays ou sont-ils contraints à la clandestinité, voire à l’exil ? 

Ils ont tendance à partir aux États-Unis, au Canada ou en Europe. Mais beaucoup finissent par revenir au pays. Et à naviguer entre orient et Occident. C’est le cas de Mahi Binebine. Après avoir longuement habité en France, ce peintre marocain est rentré travailler chez lui. Alors même que ses représenations très dures de corps enchainés renvoient à la captivité et à la mort de son frère dans les geôles d’Hasan II.

Cette création contemporaine trouve-t-elle sa place au sein du monde arabe ?

Depuis une dizaine d’années, un marché de l’art se développe dans les États du Golfe, avec les grandes foires de Dubai et d’Abu Dhabi. En revache, malgré l’ouverture de musées, la démarche d’aller voir une exposition n’est pas encore rentrée dans les moeurs et elle ne concerne qu’un cercle d’érudits.

« Art contemporain, 25 ans de créativité arabe « , Institut du Monde arabe, jusqu’au 3 février
Source : Geo voyage

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