Le grand cimetière des dinosaures

Dans le désert de Gobi, en Mongolie, ou dans la Patagonie argentine, des reptiles fossiles gisent pas millions. Et il ne se passe pas un mois sans qu’on y exhume une nouvelle espèce.

Une roche cuite et recuite, semée de touffes épineuses, 45°C l’été, -45°C l’hiver : le désert de Gobi, grand comme trois fois la France, s’étend sur le tiers de la Mongolie et le nord de la Chine. Désolé, balayé par des vents fous, il a tout d’un enfer. Sauf pour les paléontologues. Eux y voient un « Cretacic Park », un cimetière du Crétacé, qui concentre à lui seul la plupart des espèces de dinosaures jamais découvertes. Par leur très faible hygrométrie et leur grande aridité propices à la conservation, les déserts sont généralement les grands réservoirs de la planète. Roy Chapman Andrew fut le premier à en faire la découverte.

Depuis, des équipes américaines, mongoles, polonaises et françaises ont écumé ce désert, sans jamais en épuiser les couches préhistoriques, mais en dénichant d’incroyables mines d’or. Comme le bassin de Nemegt, dans le sud de la Mongolie. C’est le site où ont été découverts les restes de quelques 100 dinosaures (et 400 petits mammifères), le tout dans un périmètre de 4 kilomètres carrés ! Un casting du tonnerre : le Mononycus, l’ancêtre du Vélociraptor et de l’Oviraptor, aux côtés d’autres vénérables reptiles de 80 millions d’années. Bien conservés pour leur âge… et debout pour certains ! « Ils ont dû se rassembler au fond d’une cuvette, autour d’un point d’eau. Et là, ils se sont retrouvés piégés par une tempête de sable… Ils ont été ensevelis droits sur leurs pâtes », commente Philippe Taquet, du Muséum d’histoire naturelle de Paris. Depuis cinquante ans, ce paléontologue, qui se qualifie lui-même de « chercheur d’or »Â est infatigable.

Les restes des dinosaures sont donc restés ici. Au fil de millions d’années, ils ont été recouverts par le sable, protégés par les sédiments, puis fossilisés. Parfois, ce sont des nomades mongols qui ont conduits les scientifiques jusqu’aux vieux reptiles. « Ils sont de bons observateurs, note Philippe Taquet. Ils cherchent les os pour en faire des poudres aphrodisiaques. Sans pour autant épuiser le sol : le Gobi renferme des millions et des millions de dinosaures ! »Â Le Français y a lui-même trouvé les restes d’un sauropode, mastodonte du Crétacé le plus ancien ainsi que des empreintes fossilisés. Pour lui, chaque découverte fut une émotion. Mieux, une rencontre. Comme celle avec le crâne, absolument intact, du petit herbivore Protocératops. « C’était très émouvant de dégager un crâne aussi parfait, avec sa machoire encore en articulation. Il avait l’air de vous attendre depuis 70 millions d’années ! »Â 

Encore plus troublantes, des scènes de vie complètes peuvent remonter du fond des âges. La plus étonnante est sans doute celle exumée en 1971 par une équipe mongole et polonaise. Un trésor national aujourd’hui exposé à Oulan Bator. Il s’agit d’un Vélociraptor et d’un Protocéraptor, trouvés dans les bras l’un de l’autre. Les griffes du terrible Véliceraptor plantées dans la carcasse de l’innofensif herbivore Protocéraptor. Au cours d’un combat à l’issue sans suspens, les bêtes auraient été surprises par une violente tempête de sable, ou par l’effondrement brutal d’une dune, et ensevelies dans le feu de l’action. Dans les années 90, un dinosaure a aussi été pour la première fois mis au grand jour… couvant ses oeufs !

Des découvertes exceptionnelles qui laissent bien une idée des ressources dont dispose le désert. « Les dinosaures sont partout. Ici, quand vous marchez, vous tombez sur un bout d’os. En fait, pour en trouver un… il suffit de regarder par terre. »Â Venu pour une mission de quelques mois au bord du lac Los Barreales, Calvo y est aujourd’hui installé depuis dix ans, et ce pour une durée indéterminée. Dans son campement, le paléontologue a organisé un espace pédagogique, ouvert en permanence au public. Le site attire des touristes du monde entier. Objectif : récolter de quoi financer le chantier et une équipe de dix scientifiques, techniciens et guides. Soit 40 000 dollars par an. Pas plus : « On ne peut pas faire concurrence à Disneyland. Et surtout, on ne veut pas », sourit l’Argentin, qui couve jalousement sa nécropole du fond des âges.

Source : Geo Voyage

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