La culture est dans le fjord

Laissons la nature s’effacer derrière la culture le temps d’un week-end dans la capitale norvégienne. Musées, opéra, art scandinave ou international. Sur les bords du fjord d’Oslo, deux siècles de création nous contemplent.  

A l’est de la capitale, au coeur du quartier industriel de Bjorvika, et juste au bord du fjord, se dresse un époustouflant iceberg de marbre et de verre. C’est l’Opéra. Construit en 2008, le bâtiment est un hommage au tableau peint en 1824 par Caspar Friedrich. La mer de glace , un fatras d’échardes de glace jaillissant vers le ciel. Mine de rien, il s’agit du plus grand édifice culturel de la Norvège depuis la cathédrale de Nidaros à Trondheim (XIVème siècle). Démesure à la mesure de Justin Bieber. En mai dernier, l’adolescent à la mèche qui fait se pâmer les adolescentes à donner un concert sur le toit. « Passe ton Bach d’abord » lui souffle le chorégraphe espagnol Nacho Duato tandis que ses danseurs virevoltent sur la grande scène au son des clavecins du compositeur allemand.

Mais l’évènement est à l’ouest en cette fin de soirée de septembre, la reine Sonja de Norvège, fringuante septuagénaire choucroutée, inaugure les nouveaux bâtiments du musée d’art moderne Astrup Fearnley en compagnie de leur concepteur, l’architecte Renzo Piano. Un musée en trois morceaux. Deux sur la terre ferme et l’un sur un îlot de l’autre côté d’un étroit chenal que l’on traverse en empruntant deux passerelles. Le toit est constitué de deux ailes de verre qui touchent presque le sol. A l’intérieur, une collection des plus cosmopolites. Jeff Koons, Takashi Murakami, bien connus du public français pour avoir peuplé Versailles de leurs bestioles multicolores, se posent en vedette : l’Américain dans ses scènes coïtales avec la sulfureuse Cicciolina qui, il faut le préciser, était alors son épouse (Made in Heaven, 1991) et le Japonais avec la très sculpturale lolita de Hentaï (manga érotique) emportée par le poids de son oppulente poitrine ( 3-Meter Girl, 2011).

« To be with art is all we ask » résume le titre de l’expo temporaire qui se tiendra jusqu’en janier et qui déroule trente années d’art cotemporain. La formule s’applisue au quartier de Tjuvholmen, qui ceinture le musée. Lignes pures et débauche de reflets s’abattent sur les galeries d’art. Bon plan dans le quartier le plus chic de la troisième ville la plus chère du monde : attraper une coupette et rafler des canapés au saumon fumé lors des vernissages qui sont légion.

L’art est un cri

Le lendemain, le jour crache un bleu idéal pour aller à la rencontre des deux artistes les plus emblématiques de la ville: Edvard Munch et Gustav Vigeland. Enfants du XIX ème siècle, le peintre et le sculpteur ont été emportés à une année d’intervalle avant la fin de la Seconde guerre mondiale. A tout seigneur, tout honneur. Munch, l’auteur d’un Cri qui porte loin jouit d’une reconnaissance internationale et chez lui sa bobine orne les billets de 1 000 Couronnes.

Sa palette expressionniste, qui a jeté l’Allemagne dans son sillon s’épanouit au Musée Munch, à la National Gallery et garde tout son ouvoir d’évoquation dans l’atelier que le peintre a occupé pendant 28 ans. Vieland s’est fait plus discret ne quittant Christiana (l’ancien nom d’Oslo) que pour un périple d’apprentissage qui l’a mené notamment dans l’atelier de Rodin. En 1924, la ville offre à son oeuvre un écrin de choix : le Frognerparken dont les 40 ha abritent les 214 sculptures qui composent son cycle de la vie. Un obélisque de corps entremêlés domine une fantastique rotonde. Visages pétrifiés, féroces de réalisme, contemplent la destinée humaine. Les visiteurs, venus en masse, peinent à supporter le mirroir de leur condition. Et les appareils photos de s’abaisser, presque religieusement.

De retour à l’Hôtel de ville, à Piperevika. Les hommes et les femmes vont un par un, les yeux accrochés sur l’horizon, et les narines pleines d’effluves de poisson. Un accordéon lance quelques notes mélancoliques,. Au soleil couchant, le port piqueté de mâts fait songer à un tableau du Lorrain, le jaune avale le bleu, implacablement.

Source : A/R magazine voyageur

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