La Bolivie du haut en bas

Plateaux adins, vallées, forêt vierge… La Bolivie est une mosaïque de paysages étagés entre 300 et 4 000 mètres d’altitude. En les parcourant, le visiteur découvre aussi un territoire marqué par de violents contrastes sociaux et économiques.

Des Indiennes arborant le chapeau melon et le châle en laine de lama traditionnels, des petits immeubles en briques entourés de terrains vagues qui s’étendent à perte de vue sur l’Altiplano andin. À 4 070 mètres d’altitude, El Alto, perchée au-dessus de La Paz, a tout d’une ville-champignon du tiers-monde. C’est pourtant dans cetet cité d’un million d’habitants composée à 85% d’Indiens aymaras et quechuas qu’est née la Bolivie d’aujourd’hui, où les trente-cinq ethnies indigènes du pays, longtemps dominées par une élite blanche et métisse, ont retrouvé une place centrale.

Ici, à El Alto, s’était déclenchée en 2003 une révolte populaire qui déboucha, deux ans plus tard, sur l’élection d’Evo Morales, le premier président indien de l’histoire de la nation. Ce tenant de la gauche radicale, qui en est à son deuxième mandat, a « refondé » la Bolivie à partir de ses racines indigènes, dont se réclament les deux tiers de ses dix millions d’habitants. Un rien chaotique, cette mutation est à l’image d’une contrée marquée par des constrastes violents, aussi bien économiques que géographiques. Pour s’en rendre compte, rien de mieux que de la parcourir de haut en bas. Car la Bolivie, qualifiée de « pays andin », est en réalité formée à 70% de vallées, plaines et forêt amazonienne. Les Andes, cependant, en constituent son âme et sa région la plus peuplée.

Sur l’Altiplano, l’espérance de vie des mineurs n’est que de 45 ans

De La Paz à la frontière sud avec l’Argentine, deux cordillères aux cimes enneigés encadrent l’Altiplano. De hauts plateaux brûlés par le soleil et le froid, où des troupeaux épars de lamas broutent la steppe rase. Sur ces étendues arides, les paysans parviennent, à force d’abnégation, à cultiver des pommes de terre et du quinoa, comme leurs ancêtres il y a plus de mille ans. La route principale bifurque vers Potosi, que domine de ses 600 mètres a colline pelée du Cerro Rico (« la Montagne riche »). Des églises baroques et des maisons coloniales embellissent la ville. Elles témoignent des fortunes que les Espagnols ont extraites. En 2011, la région a produit pour 1,9 milliards d’euros d’argent, zinc, plomb et étain, dont l’exportation constitue la deuxième source de revenus pour la Bolivie. Mais les dix mille mineurs qui creusent pour un salaire de misère les étroites galeries, dans la poussière et la chaleur suffocante, n’en tirent que peu de profit : ici, l’espérance de vie est de 45 ans.

À 200 kilomètres au sud-ouest de Potosi, voici le salar d’Uyuni, le plus vaste désert de sel de la planète. Une immensité blanche, jalonnée de cactus centenaires, et bordée de geysers et de lagunes où nichent des flamants roses. Avec le lac Titicaca et ses ruines incas, au nord des Andes, cette merveille de la nature est le joyau touristique du pays. Mais elle est menacée par l’exploitation du lithium enfoui sous sa croûte de sel. Un gisement estimé par le gouvernement à 100 millions de tonnes, soit les plus grandes réserves mondiales de ce métal mou, utilisé notamment pour alimenter les batteries des véhicules électriques.

Sur les contreforts orientaux des Andes, entre 3 000 et 1 500 mètres d’altitude, commence un autre monde. Une succession de crêtes boisées et de pentes vertigineuses que dévalent en zigzagant des pistes de terre surnommées « routes de la mort ». Les rivières qui coulent vers l’est y ont creusé de longues vallées fertiles, les Yungas (« Terres tièdes »). Plus bas, l’air devient chaud et la fo^ret humide. On danse au rythme de la « saya », la musique des Afro-Boliviens, descendants des esclaves du Cerro Rico. C’est ici le royaume du café et de la feuille de coca, que les Andins mâchent pour ses propriétés médicinales mais qui est aussi l’élément de base pour la fabrication de la cocaïne. Or, l’ONU estime que 63% de la récolte nationale sont détournés vers le narcotrafic, avec une production évaluée entre 115 et 265 tonnes par an.

La riche province de Santa Cruz a menacé, en 2008, de faire sécession.

Toujours plus bas, à partir de 500 mètres d’altitude, débutent les basses terres. Au sud-est de la Bolivie, les champs de soja, de riz et de coton alternent avec d’immences ranchs à bovins et des exploitations de pétrole et de gaz naturel. Dirigée par la droite, cette province de Santa Cruz, à la population plus blanche et métissée, génère à elle seue 30% du PIB bolivien. En 2008, elle a menacé en vain de faire sécession lorsque le pouvoir central a voulu redistribuer ses richesses sur l’ensemble du pays.

Au nord de la province, s’étend la gigantesque plaine de l’Amazonie bolivienne. Sa forêt tropicale est bien mieux préservée que celle du Brésil voisin. Mais depuis 2011, les Indiens tipnis de la région s’insurgent contre un projet de route qui traverserait leurs terres ancestrales et le parc national Isiboro-Secure. Son but : favoriser l’installation de paysans indiens des Andes et des producteurs de feuilles de coca, dont Evo Morales est aussi le leader syndical. Pour l’heure, le projet est suspendu. Un sérieux revers pour l’État. Et un paradoxe de plus pour ce pays, où un président aymara, né dans les Andes, entre en conflit avec les Indiens des plaines, alors qu’il s’apprête à briguer un troisième mandat aux élections de 2014.

Source : Geo Voyage

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