Îles Marquises : les arts en héritage

Le génie créatif des Marquisiens avait été étouffé par la colonisation. Depuis une vingtaine d’années, une génération s’attache à le faire revivre et à diffuser.

Dans un grondement assourdissant, les vagues se fracassent sur la lae noire et pétrifiée. Derrière, des tombants hauts de vingt mètres. Et au-delà, des pics qui dominent des vallées humides, où l’homme a appris à renoncer à la douceur. Les Marquises, un paradis qui fait rêver ceux qui n’y ont jamais posé le pied. En réalité, ce sont treize cailloux abandonns du monde au milieu du Pacifique.

Oublié les vahinés de Gauguin. Ici, à 1 600 kilomètres de Tahiti, il n’y a pas de lagon turquoise, encore moins de sable blanc ou de « flu », cette façon d’être, aux frontières du spleen et de la torpeur, que l’on ressent ailleurs en Polynésie.

Y vivent 8 000 habitants au caractère façonné par la brutalité du paysage, comme ces pêcheurs frayant avec les requins, ces chasseurs, couteau lacé sur les hanches, traquant biquettes et cochons sauvages entre terrasses verdoyantes et ravins. Il y a peu, les Marquisiens étaient encore les parents pauvres de la Polynésie. « Des barbares mangeurs d’hommes »Â disait-on, « des guerriers »… qui ont bien failli ne pas survivre à l’arrivée de l’homme blanc !

« Entre les XVIIIè et XXè siècle, la population est tombée de 15 000 à 2 000 habitants, décimée par les maladies qu’avaient apporté les colons, explique Pascal Ehrel, chargé de porter le dossier des Marquises à l’Unesco. Cette civilisation était au bord du gouffre ».

Dans les années 1930, des campagnes de vaccination et d’hygiène ont permis de sauver une partie de la population. Mais il fallut attendre les années 1980 pour qu’arrive le grand réveil culturel. « Avec des collègues instituteurs, je fus convoqué à Pepeete par le rectorat, explique Totti Teikiehuupoko, 60 ans. Des hommes cravatées nous annoncèrent que dorénavant une partie de l’enseignement se ferait en tahitien. Je bondis et leur dit : « Et pourquoi ? Notre langue, le marquisien, existe. Nous avons dû l’abandonner quand les missionnaires blancs sont venus colonisé nos terres mais elle est toujours là. »

À force de réunions et de d’entêtement, l’irréductible eu gain de cause. Après la langue, les Marquisiens se réapproprièrent leurs danses. En lieu et place du langoureux tamouré, les hommes se sont remis à exécuter le haka des ancêtres maoris. Ils ont aussi remplacé la croix des sculptures par le Tiki originel, une divinité incarnant le premier homme. Enfin, ils ont à nouveau couvert leurs corps de tatouages. D’abord timidement puis de manière ostentatoire. Au point que la nouvelle génération n’hésite pas à s’en recouvrir intégralement le corps. Une pratique sacrée, douloureuse et indélébile. Mais, comme le chantait Jacques Brel « gémir n’est pas de mise… aux Marquises. »

Source : Geo

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