Danse : des hakas pour parler aux ancêtres

Le cahier où elle a tout noté a des allures de vieux grimoire. Claire Ehueinana le compulse fiévreusement, lève une main. Les pulsations du « pahu » (tambour) cessent. Les danseurs ne la quittent pas des yeux. « Le bras doit être plus haut, dit-elle, tendu vers l’horizon. »Â Chef de la troupe des danseurs de l’île d’Ua Pou, Claire s’en remet à ce livre  pour ses chorégraphies. « Pendant des années, j’ai rencontré les vieux des Marquises, explique-t-elle. Ils m’ont transmis un enseignement « tapu », me montrant les gestes de nos ancêtres. Peut-être que sans eux nous aurions perdu ce savoir. »Â Longtemps interdites – parce que considérées comme obscènes par les colons – les danses sont aujourd’hui la vitrine de l’archipel. « Elles n’ont rien à voir avec les déhanchements langoureux du reste de la Polynésie, assure Claire. Ici, les hommes « frappent le haka » au rythme des tambours et au son du « pouh », un coquillage en forme de conque dans lequel on soufflait pour se déclarer la guerre entre vallées. »

Cette démonstration de force s’accompagne parfois de rugissements. Lors du Henua Haka, par exemple, les hommes imitent le cochon, un animal considéré ici comme tout puissant. Les femmes, elles, parées de plumes et d’une jupe en tapa, un tissu fabriqué à partir de l’écorce de mûrier, s’élancent tout en grâce sur le Haka Manu, la danse de l’oiseau. À ce jour, Claire a sauvé de l’oubli soixante-dix chants et danses. « Bien sûr, je veille à la justesse des mouvements, mais il faut surtout que la vocation de ces gestes et de ces chants demeure, dit-elle. Ils nous permettent à la fois de raconter nos légendes et d’entrer en communion avec les esprits de la nature, de les apaiser, de leur rendre hommage. »Â Une fusion qui se matérialise à travers les costumes, réalisés en végétaux et en plumes. « La nouvelle génération les fabrique aussi bien que l’ancienne » assure Claire. Sauf que, pour les conserver plus longtemps (trois ans environ), elle les place désormais au congélateur.

Source : Geo

Laisser un commentaire

Votre adresse de messagerie ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Vous pouvez utiliser ces balises et attributs HTML : <a href="" title=""> <abbr title=""> <acronym title=""> <b> <blockquote cite=""> <cite> <code> <del datetime=""> <em> <i> <q cite=""> <strike> <strong>